Interview. Jean-Claude Anaf : « Mon souci, c’est de continuer à exister »

Interview. Jean-Claude Anaf : « Mon souci, c’est de continuer à exister »

© Olivier Chassignole

A 66 ans, la star des commissaires-priseurs lyonnais prépare son grand retour dans le monde de l’art.

Jean-Claude Anaf prévoit d’organiser dans quelques mois, à Lyon, la première de ses ventes d’œuvres d’exception pour lesquelles il annonce “un rayonnement international ”. Une façon, pour l’homme au nœud papillon, d’être toujours présent dans le milieu qui l’a fait roi du marteau.

Pourquoi revenez-vous dans le monde de l'art ?

Jean-Claude Anaf : On ne lâche pas quelque chose qui nous a passionnés. Je n'ai pas pu organiser de vente aux enchères d'œuvres pendant les cinq dernières années en raison d’une clause de non-concurrence liée à la vente de l'hôtel des Brotteaux à mon confrère Aguttes. Mais j'ai continué à suivre de très près le marché de l'art.

Pour recommencer illico dès l’expiration de cette clause ?

Je ne vais pas refaire ce que je faisais avant. Je n'ai plus rien à prouver et ma carrière est derrière moi. Mais j'ai envie de retourner dans le marché de l'art d'une façon différente.

C’est-à-dire ?

J'ai deux projets qui devraient démarrer dans les prochains mois. D'abord, je prévois d'organiser des ventes très sélectives dans des hôtels ou des lieux de prestige lyonnais. En association avec d'autres commissaires-priseurs, nous ferons une sélection d'objets très haut de gamme, principalement d'art contemporain et d'art asiatique. Nous pourrions tenir deux ou trois ventes par an qui auraient un rayonnement international. C'est un vrai pari de vouloir développer cela en province.

Et votre second projet ?

Je compte aussi profiter de la nouvelle loi qui permet aux commissaires-priseurs d'organiser la vente d'un objet d'art de gré à gré, sans passer par la vente aux enchères. Mon rôle sera d'être l'intermédiaire entre le vendeur et le collectionneur. Un domaine où le relationnel et la confiance sont très importants. Et où il faut avoir un important réseau de connaissances.

À 66 ans, vous ne songez donc pas à arrêter ?

Même si je suis un “vieux jeune”, l'âge entre en ligne de compte. Je ne veux pas refaire carrière, et il ne faut jamais faire le coup de trop dans les affaires. Mais j'ai été sur le devant de la scène pendant quarante ans, le travail me permet d'être présent. Mon souci, c'est de continuer à exister...

Continuer à exister dans le monde de l'art ?

Toute une clientèle garde une bonne image de moi... Je suis invité tous les jours à des événements et on me dit “Maître, quand va-t-on pouvoir assister à nouveau à vos ventes ?” C'est une satisfaction personnelle de voir que globalement, les gens ont gardé de bons souvenirs. Ils disent peut- être cela par courtoisie, mais ça me fait plaisir.

La retraite vous fait peur ?

Quand vous êtes à la retraite, on ne vous appelle plus. Et pour faire quoi, la retraite ? Je ne vais pas passer mon temps à me faire bronzer et jouer au golf. Les gens qui arrêtent de travailler gagatisent, tombent malades, ils ne parlent de rien à part du temps qu’il fera le lendemain... Et puis, avant je travaillais 24 heures par jour, maintenant ce n'est plus que 12 heures par jour ! Dans les années à venir, je serai aussi amené à m'associer. Il faut s'ouvrir, c'est normal, je ne vais pas non plus rester jusqu'à 90 ans.

Vous allez délaisser les ventes judiciaires et de voitures pour vous concentrer sur vos nouvelles activités ?

Non, je continue mes trois activités, car elles sont toutes passionnantes.

On imagine quand même que vous avez plus de plaisir à vendre un tableau de maître qu'une voiture d'occasion...

Pas du tout ! Bon, une œuvre d'art me procure peut-être plus d'émotion, mais c'est de mener des ventes qui me donne du plai- sir. Les trois secteurs sont aussi jouissifs intellectuellement. Quant aux procédures collec- tives, la situation actuelle est dra- matique. Sans vanité, il est important que le travail donné par le mandataire judiciaire soit bien fait.

D’après vous, qu’est-ce qui fait que vous soyez devenu la star des commissaires-priseurs lyonnais ?

D'abord, je me suis très bien entouré, avec une équipe fidèle. Et c'est surtout quarante ans de labeur.Tout cela n'est pas tombé tout seul ! Mes clients ne sont pas venus me voir parce que j'ai de beaux yeux, mais parce que je suis honnête, professionnel et que j'avais des résultats. Au fond de moi, j'ai toujours besoin d'être le meilleur, même si je suis un éternel insatisfait.

Votre plus grande fierté ?

Quand je me suis installé à Lyon, il y avait toujours ce mépris du marché parisien à l’égard du marché provincial. J'ai prouvé que l'on pouvait présenter de beaux catalogues, dans un bel outil de travail qu'est la gare des Brotteaux.

Pendant vos cinq années d'absence, le marché de l'art a- t-il changé ?

Il s'est métamorphosé ! J'ai vendu en juillet 2008, et la grande crise a éclaté le mois suivant. Cela a bouleversé le marché, qui s'est centralisé à Paris. Il y a cinq ans, les Brotteaux étaient le deuxième hôtel des ventes français. Aujourd'hui, il n'existe plus de maison de province parmi les dix premières(1). Et le marché est devenu beaucoup plus sélectif. Les beaux objets n'ont plus de prix, les montants peuvent s’envoler. Pour tout ce qui est des objets moyens et courants, cela n'a pas de prix non plus, mais parce que ça ne se vend pas. C'est pour cela que j'ai décidé de me concentrer sur les pièces d'exception.

(1) L'hôtel des ventes des Brotteaux a été vendu à Aguttes qui est une maison parisienne.


Jean-Claude Anaf, un people parmi les people

Jean-Claude Anaf, un people parmi les people

Avec plus de 35 ans de carrière derrière lui, Jean-Claude Anaf est sans conteste le plus connu des commissaires-priseurs lyonnais.

Une notoriété qui dépasse largement le monde de l'art, au point que le magazine Lyon People le fait figurer en bonne place dans son classement des personnalités lyonnaises les plus influentes. Pour tous, Jean-Claude Anaf, c'est avant tout un nœud papillon et une grande théâtralité lors des ventes aux enchères. Le personnage est aussi indissociable de la gare des Brotteaux, qu'il a transformée en 1989 en un superbe hôtel des ventes. C'est ici que Jean-Paul Anaf fera sa renommée, en réalisant ses plus belles ventes : des toiles de Picasso, Degas, Braque, Buffet, Giacometti...

S'il a toujours occupé le devant de la scène, ce fils d'immigré turc “parti de rien” a été épaulé toute sa carrière par un noyau dur de proches. À commencer par Jean Martinon, son associé et compagnon depuis le début des années quatre-vingt. Et c'est naturellement ensemble qu'ils vont développer les nouvelles activités d'Anaf.

Avec une mécanique bien rodée : “À la fin, c'est moi qui tranche. Il va me dire que je me trompe, je vais l'écouter et je peux changer d'avis. Mais le pouvoir bicéphale n'existe pas dans une entreprise”, pose Jean-Claude Anaf.


Propos receuillis par Vincent Lonchampt le 2 février 2014 sur www.tribunedelyon.fr

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