Lyon, nouvelle place-forte des ventes aux enchères
Archive publiée originellement le 4 avril 1986
sur Paris Match
Le 19 mai 81, Jean-Claude Anaf, commissaire-priseur installé depuis 5 ans à Lyon, bat son record mondial en vendant une lampe de Gallé pour 630 000F.
« J’ai alors connu un véritable tournant dans ma carrière ».
Tout le monde voulait que je lui vende son Gallé ». Depuis, chaque fois qu’il lève son marteau d’ivoire, il se passe quelque chose et les amateurs du monde entier sortent leurs chéquiers. Car, aujourd’hui, les initiés le savent : « Lyon fait les prix ». Une expression qui, dans le jargon du métier, signifie que Lyon est reconnue comme une place « forte ».
Fini le temps où les salles lyonnaises bradaient les ventes. Les cotes atteintes ces derniers mois l’ont confirmé. Qu’il s’agisse de la vente Pierre Orsi au printemps dernier, ou de la collection Napoléon Bullukian, le dernier mécène lyonnais ou encore, de celle du docteur Goud. On peut vendre à Lyon, et à un prix élevé. « Autrefois », nous confie Maître Anaf, chef de file de contre 7 seulement à Lyon ». Si la cote des experts a son importance, la personnalité du commissaire-priseur qui mène la vente est primordiale. « J’aime vendre par-dessus tout » avoue Maître Anaf.
« J'ai le trac chaque fois que je prends mon marteau. Comme les comédiens, je vois le trou noir du public ! Je jauge et je soupèse, c’est une relation fantastique qui s’établit, une véritable épreuve de force, qui m’épuise. » Une épreuve qui a ses joies : quand on parvient à redonner « sa » valeur à des objets.
C’est ainsi qu’il a, en collaboration avec les galeries lyonnaises, réussit à faire établir une cote des peintres lyonnais pour éviter qu’ils ne soient bradés. Opération réussie grâce à une vente baptisée « Peintres contemporains-Maîtres du futur ».
Maître Anaf sait bien qu’une vente qui porte un nom marche deux à trois fois mieux que si elle est anonyme. C’est pourquoi il fait de la publicité et édite des catalogues en couleur. Indifférent aux critiques des envieux timorés qui n’ont pas compris que c’est l’avenir des ventes aux enchères lyonnaises et non un goût du paraître qui fait courir ce jeune homme brillant. Ses affaires, les plus prestigieuses de Lyon, n’ont pas gâté sa grande sensibilité, ni son souci permanent de se remettre en question.
« Nous devons nous comporter avec une rigueur absolue. Si par hasard un expert (je m’entoure des spécialistes les plus sûrs et les plus compétents) s’est trompé, si l’objet acheté fort cher n’est pas authentique, je fais immédiatement un chèque à l’acheteur. A l’inverse, j’ai le souci d’encaisser rapidement l’argent de mes clients. Je ne remets l’objet que si on me présente un chèque et une pièce d’identité. »
Tous les lundis après-midi, Jean-Claude Anaf procède à des expertises gratuites sur des objets que les gens lui apportent où défilent chaque lundi une soixantaine de personnes. « Ce contact avec le public est très intéressant. Non pas financièrement mais ces rencontres me permettent de mieux connaître les goûts des Lyonnais. C’est indispensable, même si ma clientèle reste en majorité étrangère, et suisse à 20 %.
Chauvins, les Lyonnais aiment la peinture lyonnaise du 19e, le mobilier en marqueterie, les sièges, les vins millésimés et les livres. Surtout les livres de cuisine ! » Il ajoute : « Un objet, un jour ou l’autre, finit toujours aux enchères. C’est l’Elysée des choses, leur enfer, leur paradis ou leur purgatoire... »
Les ventes futures : Le 27 mai au Sofitel : « Meubles, tableaux anciens, et objets d’art ». Egalement avant l’été « Vente d’état, orfèvrerie 18B/19e. Céramique et faïence du 18e. Et vente de véhicules de prestige (Mercédès, Jaguar, Ferrari, B.M.W., Land Rover), le 5 juin à l’Hippodrome de Lyon-Parilly.
Article écrit par Martine Montemont, le 4 avril 1986, Paris Match